Un.

CHAOS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre Un :

Au fond du gouffre

« Hanbin, c'est le cinquième message que j'te laisse, réponds moi s'il te plaît, il faut qu'on parle.

Je crois que l'on ne sait pas tout de cette histoire, il faut que tu répondes, c'est urgent. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Début février 2013, soit deux mois après l'agression de Kim Jiwon, son hospitalisation et son infernale inconscience, Jinhwan fut frappé par le chagrin. Paraîtrait-il que ce sentiment mélancolique n'était pas rare chez les personnes ayant vécu une émotion douloureuse. Cette humeur ne l'avait pas heurté de plein fouet, elle s'était peu à peu imposée en lui. C'était comme si son cerveau, maintenant atteint, ne voulait plus voir la beauté du monde, la joie que chaque journée pouvait procurer.

Sa descente aux enfers avait commencé avec une chute vertigineuse, indispensable vol plané à toute descente en enfer après un bonheur fulgurant : après de nombreux échecs il vivait finalement une douce romance dans les bras de son ami de toujours Jung Chanwoo. C'était l'automne 2012, ils s'étaient tournés autour des semaines durant avant que Chanwoo ne fasse le premier pas en déposant ses lèvres sur la bouche de Jinhwan. À ce moment ils tombèrent l'un pour l'autre et commencèrent à se voir de partout : à l'école, au parc, dans les centres commerciaux, au bord de la rivière, au cinéma, au café. Leur amour naissant s'affichait sur leurs fonds d'écrans, ils s'aimaient aux yeux de tous, même ceux que ça dérangeaient.

Forcément il y avaient ceux qui été pour leur relation, qui les encourageaient, les trouvaient adorables. Mais il y avaient aussi ceux qui étaient totalement contre, qui les regardaient de travers, les insultaient. Jinhwan, qui n'était pas affecté par tout cela, y répondait néanmoins en aimant toujours plus Chanwoo et en le montrant autant qu'il le pouvait. Plus ils recevaient de regards obscurs, plus il glissait ses lèvres sur celles de Chanwoo.

Ils ne s'étaient pourtant encore jamais exposés avec leurs plus proches amis. Ce n'est pas l'envie qui leur manquait mais ils ne savaient pas encore la façon dont il devrait leur annoncer. Jinhwan n'était pas sûr que cela change quelque chose, après tout Jiwon et Hanbin se fréquentaient depuis l'année dernière et aucun des garçons n'avaient été contre. Alors ça ne serait pas différent pour eux.

C'est cependant lorsqu'il avait reçu un appel alarmé de Song Yunhyeong qu'il avait senti que le vent était en train de tourner. Libéré par Lee Jihyo, sa patronne, il était parti sur sa 125 Rocket, zigzaguant entre les voitures pour découvrir la première scène de sa descente : l'inconscience de Jiwon, le sang sur les mains de Hanbin qui, paniqué, hurlait sur son petit-ami pour qu'il se réveille, Yunhyeong au téléphone un peu plus loin. Il pensait que ça s'arrêterait là, qu'ils se retrouveraient à l'hôpital où serait prit en charge Jiwon et qu'à son arrivée celui-ci serait réveillé. Mais en vain. Il avait chargé Chanwoo sur sa 125 et à leur arrivée Jiwon était toujours au bloc. Il était néanmoins heureux d'entre entouré de Chanwoo, de pouvoir se réfugier dans ses bras pour avoir du réconfort, de l'amour, comme si tout allait bien. Mais le lendemain, tout cela lui avait semblé fade. Sa relation bancale, son amour sans réelle profondeur. Il entrait dans la deuxième phase de sa chute.

À la fin janvier, il y avait un mois que Jiwon était inconscient et il n'y avait pas le moindre signe d'un prochain réveil. Lorsqu'il n'y eu plus d'examens à faire, plus d'évolution possible si ce n'était son réveil, Jinhwan comprit qu'il devrait s'armer de patience et épauler Hanbin qui passait ses journées aux côtés de son amant. La famille de Jiwon avait traversé l'océan pour venir au chevet de son fils et mettre à bout le personnel médical ainsi que le seul agent de police qui était venu voir Jiwon le lendemain de son agression. Malheureusement il ne pouvait pas faire grand-chose : Jiwon étant inconscient il n'avait aucune information. De leur côté les garçons se voyaient toujours chez les uns et les autres, mettant à chaque fois une croix sur la présence de Hanbin qui restait à l'hôpital ou partait s'effondrer de sommeil dans leur appartement. Fort heureusement Yunhyeong avait proposé de s'occuper de leur chat en attendant que tout s'arrange, pauvre Honey elle serait morte à l'heure qu'il était si Yunhyeong ne l'avait pas sauvé de l'abandon de son second maître.

Les moments où ils se retrouvaient avaient bien changé cependant. Jiwon n'était plus là pour les faire rire avec ses manières et son habitude à tous les emmerder. Kim Jiwon lui manquait. Lui, qui le traquait inlassablement pour lui rappeler à quel point il est petit et adorable. Tous les jours, à chaque fois qu'ils se voyaient il ne pouvait s'en empêcher : il fallait qu'il fasse une remarque vis-à-vis de la petite taille de Jinhwan. Maintenant beaucoup lui disaient qu'il était mignon, mais il n'avait plus reçu de remarque cinglante concernant sa taille.

Malheureusement il n'était pas le seul à qui Jiwon manquait. Donghyuk avait beaucoup de mal à sourire depuis. Le pauvre garçon avait apprit deux terribles choses en une journée : sa petite-amie avait été longuement battu par son père qui termina en prison, sa mère se donnant la mort quelques jours après la découverte de cette tragédie puis l'agression de Jiwon débouchant sur son inconscience.

Donghyuk a toujours été le plus sensible des sept. Il n'avait pas cette carapace que les autres garçons s'étaient forgés au fil du temps, il vivait toutes les émotions pleinement, les bonnes comme les mauvaises. Alors le 22 décembre 2012 fut sans doute la pire journée pour Donghyuk, une journée qu'il n'était pas prêt d'oublier. Jinhwan n'était d'ailleurs pas prêt d'effacer de sa mémoire la souffrance qu'il avait vu sur le visage de son ami, son visage déchiré par l'incompréhension et la douleur. Sa joie de vivre s'en était allée sans crier gare et il n'arrivait plus à la retrouver. Et le soir, lorsqu'ils étaient tous ensembles, il songeait au fait que Kim Jiwon n'existerait peut-être plus. Dans ces moments Koo Junhoe le regardait, dédaigneux, avant de lui mettre un coup derrière la tête en lui demandant d'arrêter de raconter n'importe quoi.

Junhoe, lui, allait presque parfaitement bien. Il devait être celui qui cachait le mieux ses émotions. Il passait ses journées avec Louise, flânant dans les rues de la ville plutôt que d'aller en cours. Il jouait au célèbre ulzzang qu'il était devenu au fil du temps : souriant aux filles qui le lorgnaient avant de serrer un peu plus la main de Louise qui se plaignait de son attitude. En parlant de Louise, la rumeur courrait d'ailleurs qu'elle s'inscrirait au lycée l'année prochaine. Évidemment c'est une rumeur qu'avait entendu Yunhyeong avant de la souffler à Jinhwan.

Song Yunhyeong venait souvent voir le garçon à son travail, durant ses pauses ou à la fin de sa journée. Ils se rejoignaient chez Paris Baguette où travaillait maintenant Jinhwan, à proximité du parc de Yongsang-Gu. Jinhwan préparait deux cafés, quittait son poste, et ils s'en allaient en marchant jusqu'au parc où ils restaient jusqu'à ce que la nuit ne commence à tomber. Ils buvaient leur breuvage tout en discutant. Jinhwan, le dos endoloris, écoutait tout ce qu'avait à lui dire Yunhyeong avant de lui faire part de ses propres soucis.

Fatigué de vivre avec ses parents, de supporter leurs mots concernant sa ualité ou pire encore leur ignorance, Jinhwan avait quitté l'école après avoir trouvé un travail chez Paris Baguette dans une belle rue à quelques mètres d'un restaurant européen et d'une boutique Saint Laurent devant laquelle il bavait tous les jours. Sa paye, bien que légère, lui permettait de louer un appartement à quelques minutes à pieds de son lieu de travail. Malheureusement sa nouvelle vie d'homme adulte n'avait pas que du bon : il n'arrivait plus à voir Chanwoo comme il le voulait. S'étant éloigné de l'école et n'ayant plus les mêmes disponibilités il ne pouvait pas voir le garçon à sa convenance et ce n'était pas sans impact sur leur relation.

  • On est mal, confia Jinhwan installé sur un banc du parc, les mains autour de son gobelet encore chaud. Dis-moi sérieusement, ce n'était pas une bonne idée dès le début ?

  • Je ne sais pas quoi te dire hyung. Ce n'est pas une décision que vous avez prise sans réfléchir j'imagine, vous l'avez voulu, vous vous êtes désirés. Par contre j'avoue avoir été surprit, Jinhwan tourna aussitôt un visage interrogateur sur lui. Et bien, vous étiez proches oui c'est certain, mais je n'aurai imaginé que vous soyez proches à ce point-là.

  • Donc tu penses que c'est une connerie ?

  • Jinhwan tu ne comprends pas : on aurait pu avoir cette conversation auparavant, quelques semaines plus tôt je n'aurai probablement pas dit la même chose. Mais là, le contexte n'est pas à négliger. Je veux dire, vous vous êtes annoncés le jour de l'agression de Jiwon. Ca nous a à tous fait du bien un instant mais après l'euphorie est retombée et, je veux pas te blesser hyung, mais je ne crois pas que le moment était bien choisi. Et puis, regarde où tu en es maintenant : tu te demande si ta relation n'est pas une erreur.

Épouvanté par les oracles de Yunhyeong, Jinhwan se mit à remettre sincèrement en question sa relation avec Chanwoo. Il y pensait de son réveil à six heures du matin jusqu'à son coucher, soit jamais avant dix heures ou onze heures du soir. Dans son appartement il écoutait Stay With Me de Taehyung et G-Dragon, essayant de se battre contre lui-même. Il ne pouvait pas avoir perdu tous ses sentiments envers Chanwoo. Les événements récents avaient dû les accroître et non les réduire au néant. Et pourtant. À chaque fois qu'il ouvrait la galerie de son téléphone, qu'il faisait glisser les différentes photos qu'ils avaient prise il ne voyait plus que de jolis souvenirs et rien d'autre. Qu'est-ce qu'il s'était passé ? Il observait ensuite ses messages et les différentes connexions de Chanwoo : il n'était plus là, déjà occupé à jouer à Call of Duty Ghosts. Était-ce ça qui avait effacé les sentiments de Jinhwan ? Le fait que Chanwoo soit si jeune ? Quatre ans d'écart, en pleine adolescence, ce n'était pas rien. Pourtant Chanwoo n'était pas immature, au contraire.

Quand ils avaient apprit pour Jiwon le plus jeune de tous avait été le pilier du groupe, celui qui leur rappelait que tout irait bien, que Jiwon se réveillerait et sortirait une nouvelle blague ou bien un pet. Il n'allait pas rester dans cet état indéfiniment, c'était sans doute une nouvelle blague qu'il leur jouait. À ces mots les garçons souriaient tous et Jinhwan se lovait dans les bras de son compagnon. Mais plus les jours passaient et moins il désirait se lover. Comment quelque chose d'aussi fort pouvait s'effacer ainsi sans aucune raison ? C'est quand il se rendit compte que tous ses sentiments s'effaçaient sans aucune explication qu'il attaqua la phase finale de sa chute.

Il passait son temps à travailler, ruminant ses pensées noires pendant ses heures de travail. Inquiète Jihyo n'arrêtait pas de l'interpeller, lui demandant si tout allait bien, s'il voulait prendre une pause. Mais s'il s'arrêtait de travailler il s'effondrerait. Alors il continuait jusqu'à l'épuisement et sous les yeux inquiets de sa patronne. Elle s'occupait de la caisse quand il servait les clients et refaisait les stocks. Elle avait toujours un œil sur lui et lorsqu'elle n'y tenait plus, elle reposait le plateau qu'il tenait et le grondait comme un enfant.

  • Je t'en supplie Jinhwan, prends une pause, gémissait-elle. Prends toi un sandwich et sors de cette boulangerie, tu n'as rien mangé depuis ton arrivée !

Il lui répondait en reprenant son plateau.

  • Je vais très bien noona, ne t'en fais pas pour moi je mangerai à ma pause de quatorze heures.

  • Ne dis pas n'importe quoi ! Lui dit-elle en lui prenant le plateau des mains. Tu prends ta pause et tu manges maintenant !

Elle lui jetait un de ces regards que seules les mères savaient faire et face à cela Jinhwan n'osait pas la contredire une nouvelle fois. Alors il se rendait dans l'arrière boutique pour prendre quelque chose à déjeuner ainsi qu'une bouteille d'eau et il sortait à l'air frais, veste sur le dos. Comme si les ordres de Jihyo allaient changer quelque chose à son état. Il s'était rendu compte que ses sentiments s'effaçaient, voire qu'ils n'étaient plus, et il devait remédier à ça au plus vite. Il ne pouvait pas rester avec Chanwoo s'il n'avait plus de sentiments pour lui, ce serait trop cruel de lui mentir. Mais en parallèle il se refusait à briser le cœur du garçon.

Comme à son habitude il mangeait assis en tailleur sur le muret à côté de la sortie de la boulangerie, son regard planté sur la boutique de la rue d'en face. Il aimerait lui aussi un jour pouvoir fouler le marbre de la boutique Saint Laurent. Il renifla, la tête appuyée contre le mur, quelle idée stupide. Ce qu'il aimait le plus dans sa vision de la boutique de luxe, c'est qu'il voyait aussi les clients qui y rentraient. Il reconnaissait quelques idoles dont il se foutait royalement, des mannequins tels que Park Yuri. Du beau monde. De temps à autre un tank Mercedes se stationnait à quelques mètres de lui et trois hommes en sortaient. Il n'y en avait qu'un qui était toujours le même et il se faisait ouvrir la porte. Il captait d'ailleurs toujours l'attention de Jinhwan qui se demandait qui était ce garçon. Un riche héritier ? Probablement. Pour passer de la boutique Saint Laurent au Bistrot de Gianni il fallait avoir de l'argent, beaucoup d'argent.

Le Bistrot de Gianni était un restaurant de luxe européen tenue par un italien d'une petite trentaine d'année. Quand Jihyo ne pouvait pas, c'est Jinhwan qui leur livrait leur commande de pain pour la journée. C'était un de ces endroits où Jinhwan adorait se rendre, un petit plaisir de son travail. Il croisait souvent Gianni, mais la plupart du temps c'est Kim Kiji qui venait l'aider avec la livraison. Ils traversaient tous les deux la salle encore vide. Grande salle au sol pavé de rouge, aux murs vitrés et à la décoration végétale. C'était noir, c'était beau et très luxueux. Un luxe que Jinhwan ne pourrait définitivement jamais s'offrir. Alors il profitait de ses livraisons pour observer les nouvelles décorations quand il y en avait, pour discuter avec Gianni qui lui demandait conseil pour des bouquets à déposer ça et là. Gianni était bien plus appréciable que Kiji qui, lui, était d'un ton sarcastique et invivable.

  • Dis-moi mon grand, lui fit Gianni qui était debout sur un escabeau en train d'installer de nouveaux luminaires au plafond, c'est quand que tu viens manger ici ?

  • Ah, sourit Jinhwan, ce n'est pas encore au programme ça.

  • Et pourquoi ?

  • Je peux tout simplement pas pour le moment, mais un jour peut-être.

  • Jihyo n'a pas voulu me renseigner sur ton anniversaire, tu devrais pouvoir le faire toi.

  • Pourquoi vous voulez savoir ça ?

  • Réponds, jeune enfant ! Insista Gianni toujours sur son escabeau, les bras sur les hanches.

  • Le 7 février, répondit finalement Jinhwan en observant le chef descendre.

  • Bien, très bien. Le sept février je veux que tu pose ton cul ici.

  • Dans un langage un peu plus courtois, ça veut dire que tu es invité ici pour ton anniversaire, fit Kiji en passant par là.

  • Ramènes un autre cul aussi, tu vas quand même pas passer ton anniversaire tout seul, ce serait d'une tristesse.

Jinhwan avala sa salive. Personne ne semblait saisir la situation, même si personne à part Yunhyeong n'était au courant de celle-ci. Que devait-il faire ? Inviter Chanwoo chez Gianni alors qu'il n'avait plus de sentiments pour lui, lui donner à nouveau l'impression que tout allait bien entre eux alors que pas du tout ? Il se tira les cheveux en observant le SUV Mercedes toujours garé à la même place. Il devrait bientôt retourner au travail et par la même occasion trouver une solution à son problème. Son anniversaire n'était que dans quelques jours et il n'avait toujours rien dit à Chanwoo. À vrai dire il ne le voyait tout simplement plus.

Ce n'est que lorsqu'il se retrouva au pied du mur qu'il décida de sortir de sa réflexion. Chanwoo, qui n'arrêtait pas de lui poser des questions concernant son anniversaire, commençait à lui taper sur les nerfs autant qu'il se détestait pour ne rien lui dire. C'est Yunhyeong, comme à son habitude, qui le secoua pour qu'il réagisse. « Il va falloir que tu portes tes couilles mon grand, là tu peux plus faire semblant ! Il se pose des questions et essaie de savoir ce qu'il pourrait t'offrir pour ton anniversaire ! Il faut que tu réagisses ! Tu peux pas continuer comme ça t'es en train de le tuer ! » Mais Yunhyeong omettait quelque chose : Jinhwan était celui qui était mort. Mais il ne pouvait plus fuir, mort ou vif il devait accepter le fait que l'amour avait été éphémère. La journée qui suivit il profita d'un repos pour donner rendez-vous à Chanwoo. Ils se retrouvèrent au square non loin de chez le plus jeune qui portait son éternel sourire enfantin. Le cœur de Jinhwan se serra, comment pouvait-il faire ça ? Il enfonça ses mains dans les poches de son jean et commença à marcher en silence, Chanwoo à ses côtés qui se doutait déjà que quelque chose n'allait pas. Après tout, Jinhwan ne lui avait pas donné de nouvelles des jours durant.

  • Ca va pas fort, Chan'.

  • J'ai cru remarquer oui, lui dit-il, cinglant.

  • Je ne veux pas y aller par quatre chemins, le résultat sera de toute façon le même mais … je crois que je ne suis plus amoureux de toi.

Il n'arrivait pas à le regarder dans les yeux, honteux et coupable, néanmoins il l'entendit pousser un léger rire avant qu'il n'enfonce également ses mains dans ses poches. Le pire pour Jinhwan, c'est que Chanwoo le dominait largement en taille, il se sentait écrasé, encore plus honteux.

  • Je ne pensais pas que ce serait aussi sérieux que ça, avoua-t-il finalement.

  • Je ne sais pas quoi dire de plus, confia Jinhwan dont la voix tremblait, j'ai essayé de comprendre, j'ai essayé de savoir pourquoi mais je n'ai trouvé aucune réponse.

  • Comprendre quoi ? Pourquoi tu ne m'aime plus ?

  • Oui. Il n'y a aucune réponse apparente et … C'est ça le pire. J'aimerai avoir une raison valable de ne plus avoir cette flamme mais il n'y en a pas, elle s'est simplement éteinte d'elle-même.

  • Donc … je n'ai rien fait de mal, j'ai été très bien mais tu me quittes quand même ? Demanda Chanwoo en s'arrêtant.

  • Je ne vais tout de même pas rester avec toi si je ne t'aime plus !

  • Dis-le moi en me regardant dans les yeux.

Le problème avec Chanwoo, c'est qu'il ne montrait jamais ses émotions. Jinhwan avait donc l'impression d'être le seul à souffrir et que Chanwoo ne comprenait pas. Ou ne voulait pas comprendre. Il se tourna donc pour lui faire face, le visage levé vers le sien pour le regarder dans les yeux. Est-ce qu'il ne comprenait pas que c'était terminé ou bien était-ce le fait que Jinhwan ne l'aimait plus ? Ou bien ne se rendait-il pas compte que cette décision avait été longue et douloureuse à prendre ?

  • Je ne t'aime plus.


 

*


 

Avant que sa vie ne change complètement Jinhwan continuait de vivre tranquillement. Depuis sa rupture avec Chanwoo il n'avait eu aucune nouvelle de celui-ci, Yunhyeong était le donneur de nouvelle, le messager. Son anniversaire approchant, Jinhwan décida qu'il ne le fêterait pas avec les garçons mais qu'il accepterait l'invitation de Gianni, il lui fallait seulement trouver quelqu'un avec qui y aller. Il ne pouvait pas inviter n'importe qui, c'était tout de même son anniversaire. Il avait donc pensé à Kim Namjoon, sauf qu'il n'avait pas parlé au garçon depuis qu'il avait quitté l'école et ce serait étrange. Il pensa alors à Seiyeon, sa sœur qu'il n'avait pas vu depuis un moment, elle aussi ayant quitté le nid parental assez tôt.

  • Tu trouves normal que mon frère ne me donne aucune nouvelle et réapparaisse comme une fleur pour m'inviter à son anniversaire ? T'as pas d'ami ?

  • Je n'ai pas eu le temps, s'excusa-t-il en arrangeant sa coupe de cheveux alors qu'ils marchaient en direction du restaurant. Il s'est passé beaucoup de choses ces derniers mois.

  • Comme ta déscolarisation et ton entrée dans le monde du travail ?

  • Entre autre.

  • Il s'est passé quelque chose d'autre ? Demanda-t-elle, tout à coup soucieuse.

  • On pourrai juste … ne pas en parler ? J'aimerai éviter ce genre de sujet le jour de mon anniversaire.

  • Pourquoi, c'est grave ?

  • Plutôt oui.

  • Mais pourquoi tu ne m'as rien dit?!

  • Mais parce que tu me vois débarquer chez toi ou bien t'appeler, te demander si tu vas bien et te balancer de but en blanc qu'un de mes proches amis s'est fait démonter la gueule à la batte de baseball et que j'ai quitté mon copain parce que j'avais plus aucun sentiment pour lui et que c'est la pire des ruptures ? Franchement, j'aurai préféré qu'il fasse une connerie ou que j'en fasse une parce que là j'ai l'impression de l'avoir quitté pour rien.

  • Je suis ta sœur Jinhwan, tu peux me dire n'importe quoi n'importe quand.

  • Bah si on pouvais éviter d'en parler maintenant ça m'arrangerai.

En longeant le trottoir qui les conduisait directement chez Gianni il remarqua aussitôt le SUV Mercedes garé à la place habituelle. Il haussa un sourcil, surprit de le voir deux fois dans la même journée, mais il poursuivit son chemin et ouvrit la porte à sa sœur qui entra en première. Il ne fallut pas attendre longtemps avant que Kiji ne montre le bout de son nez. Comme toujours il portait sa chemise blanche avec son pantalon noir ses une paire de vans, les manches retroussées de sa chemise présentaient un nombre incalculable de tatouages qui montaient jusque dans son cou et sur son visage. Au regard de Seiyeon, Jinhwan comprit qu'il était tout à fait à son goût. Mais n'était-elle pas déjà en couple ? A peine plus agréable qu'à son habitude il les conduisit jusqu'une table réservée. Elle n'était pas dans un coin comme Jinhwan l'aurait imaginé, ils se trouvaient à une longue table où étaient déjà installés quatre personnes dont Jinhwan reconnu une d'entre elles. L'héritier. Pour ne pas changer de ses habitudes il portait un t-shirt manches courtes noires et probablement un pantalon noir. Les trois autres personnes, tous des gorilles vêtus de chemises blanches, discutaient joyeusement. Lui, restait silencieux à les regarder ou regarder son verre de vin rouge. Il semblait ailleurs. Serein et intimidant.

  • Tu voudrais pas te décaler d'une chaise par hasard ? Ricana sa sœur.

  • Non, je ne veux pas me décaler, merci noona.

  • Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

  • Je ne sais pas …

  • Tu as toujours été beaucoup trop sensible, lui dit-il en souriant.

Avant même qu'il ne puisse lui répondre quoi que ce soit il senti un regard piquer sa curiosité. Il donna un coup d’œil sur la continuité de la table et croisa les yeux froids de l'héritier. Il garda le contact une seconde avant de détourner ses yeux pour observer sa sœur qui commençait à lui raconter sa vie de l'autre côté de la rivière et les nombreux appels qu'elle recevait de leurs parents puisque Jinhwan avait décidé de ne plus leur adresser la parole maintenant qu'il avait son appartement.

  • S'ils ne m'avaient pas traité comme un chien avant de m'ignorer totalement quand ils ont su pour ma biualité peut-être que je leur donnerai des nouvelles, trancha-t-il.

  • Tu ne devrais pas en tenir rigueur, lui dit Seiyeon avec une moue, je sais qu'ils n'ont pas été tendre mais -

  • Arrêtes. Tu n'étais pas là, tu ne sais pas ce qu'ils ont fait.

  • Maman m'a dit que …

  • Maman t'a dit que, reprit-il en la coupant. Parce que tu crois qu'elle t'a dit toute la vérité, tout ce qu'ils ont fait ? Laisse moi rire, elle t'a dit ce qui ne noircissait pas son image.

  • Qu'est-ce que tu veux dire ?

  • Je veux dire qu'ils ne me traitaient plus comme un membre de la famille. J'avais le choix entre manger ou prendre le bus pour aller voir mon petit-ami. Je choisissais le petit-ami.

  • Maman n'aurait jamais toléré ça !

Jinhwan haussa les épaules pour toute réponse avant de feindre un sourire à Kiji qui leur apportait un apéritif ainsi que les menus. Pendant que Jinhwan avait le regard planté sur la carte qui ne comportait aucun prix ses oreilles se concentraient sur les conversations alentours et il entendit pour la première fois la voix de l'héritier : une voix de baryton, caverneuse et roulante. Un frisson parcouru son corps, réaction qui n'échappa pas à sa sœur qui étouffa un rire.

C'est Gianni qui vint personnellement prendre leur commande, attirant l'attention de l'héritier qui devait sans doute être habitué à avoir le même traitement. Italien charmeur par excellence il se mit à tenter de séduire Seiyeon aussitôt qu'il apprit qu'elle était la sœur de Jinhwan. Puis il prit leur commande avant de leur souhaiter une bonne soirée et passer aux côtés de l'héritier qu'il prit doucement par les épaules, riant avec le reste de la table et promettant une nouvelle bouteille de Romané-Conti.

Les liens qui l'unissaient à Gianni étaient encore frais mais tout de même assez forts. Il était entré dans sa vie au cours de la première semaine de l'année, lorsqu'il intégra la boulangerie Paris Baguette du 63-21 Cheongpadong, Yongsang-Gu. S'il n'avait que dix-neuf ans, Gianni en avait une quinzaine de plus et cela faisait dix-ans qu'il faisait les beaux jours de la rue peuplée d'étudiantes sympathiques et polies, toutes passant devant le restaurant pour espérer voir la belle Ducati 1 200 Monster qui indiquait la présence de Gianni. Au départ Jinhwan ne connaissait que Gianni-le-bel-italien-qui-cuisinait-comme-un-Dieu, comme tout le monde. Puis il s'était mis peu à peu à connaître Gianni-tout-court, celui qui le prendrait sous son aile pour agir avec lui comme jamais un homme ainsi plus âgé ne l'avait fait. Lui-même avait connu la solitude et les difficultés de l'entrée dans le monde du travail lorsque, à vingt ans, il avait quitté sa Naples natale pour atterrir ici. Depuis, il avait connu la consécration avec ses talents de cuisinier et il y a maintenant cinq ans qu'il avait racheté le Bistrot à l'ancien propriétaire, son ancien patron parti à la retraite, pour en faire son propre restaurant. C'était l'une des figures les plus importantes de la rue : il ramenait une clientèle huppée venant des plus grandes agences musicales mais aussi des acteurs, des mannequins, de grands PDG et autres personnes de la haute. Il était respecté, admiré, voire même aimé par quelques étudiantes un peu trop excitée à sa vue.

  • Bah alors, t'en fais une tête. C'est ton anniversaire et j'ai l'impression que tu vas claquer en plein dans mon restaurant.

  • Ca se pourrait bien …

  • Il vient de quitter son petit-ami, se sentit obligée d'informer Seiyeon qui n'était pas insensible aux charmes de Gianni.

  • Allons, allons. Tracasses-toi pour les rides que tu vas prendre, le délicieux repas que tu vas manger, ou bien la guerre si tu veux, mais pas pour l'amour, tu es encore trop jeune pour ça. Sois plutôt ravi : tu es jeune et carrément mignon, tu n'auras pas de problème à trouver un nouveau mâle qui saura te traiter avec plus de considération que le dernier ne le faisait.

  • Il n'y est pour rien, c'est moi, j'ai arrêté de l'aimer.

  • Et tu te mets dans cet état ? Mon pauvre, tu es navrant.

Il était impossible de dire que cette soirée avait effacé toute la douleur qu'il pouvait ressentir, mais elle lui fit un grand bien. Ce furent des heures heureuses qu'il passait en compagnie de sa sœur et Gianni. Ce furent, en fait, ses dernières heures heureuses en sa compagnie. Ils les passèrent à manger toute sorte de plats italiens mais aussi français que Gianni avait placé dans le menu dégustation. Une dizaine de plats qui lui firent le plus grand bien et pour couronner le tout : un superbe fraisier en guise de gâteau d'anniversaire. Le gâteau, bien trop gros pour deux, fût partagé avec la table d'à côté, Gianni, et quelques autres clients dont Gianni cirait les pompes.

Il rentra finalement chez lui après avoir raccompagné sa sœur à la station de métro. Il l'embrassa deux fois sur la joue avant de la serrer dans ses bras en la remerciant, puis il parti en direction de chez lui, les mains dans les poches. Ses dix-neuf avaient été bien fêtés. Il se toucha le ventre, rassasié mais pas plein à s'en sentir lourd, il étira un sourire. Ce qu'il ne savait pas à ce moment, c'est qu'un événement dramatique était en train de se produire, événement qui changerait beaucoup de choses.

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Comments

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tt_9800 #1
Chapter 4: Chapter 4: Très intriguant!! Merci beaucoup!! ?