Chapitre Treize :

Le mystère de l'homme

aux cheveux turquoises. 

 

«C'est pourtant simple. J'ai besoin d'être aimé. J'ai besoin de manquer. Je besoin de savoir

qu'au beau milieu de la journée, même pour une seconde, quelqu'un pense à moi.

Que cette personne se demande ce que je suis en train de faire et si je pense

de la même façon. Je n'ai pas besoin de plus.»

 

 

 

 

 

 

C'était peut-être à cause du brouhaha émit par les hommes de Yongsang-Gu, du résonnement de la balle tirée au sol ou bien encore de ses pensées trop bruyantes, mais Jinhwan se sentit tout à coup vide et tomba au sol, la main sur le cœur.

S'il s'était senti confiant face à sa nouvelle vie à Honeysuckle, les choses venaient de changer entièrement. Son optimisme s'effondra au fil des secondes et l'aura protectrice de Yongguk ne pouvait rien faire pour cela.

Alors Jinhwan observa les scènes à venir depuis le sol du hanok, les mains entourant son visage et les yeux écarquillés. En quelques secondes il vit Junhong tiré en arrière pour l'éloigner de Kiji qui fut poussé dehors par trois hommes. Les coups pleuvaient malgré les ordres de Yongguk qui exigeait un calme absolue. Mais personne n'était calme, personne sauf Jinhwan.

Il était le seul à ne pas s'énerver contre Kiji ou bien Junhong, il observait la scène en songeant à la considération que chacun se portait ici. Avaient-ils si peu de respect les uns envers les autres pour se menacer d'une arme si facilement ? Enlever une vie, ce n'était pas rien. Ils n'avaient pas le droit de le faire de cette façon, pas pour une raison aussi stupide que celle-ci. Peut-être que l'acte serait plus compréhensible si Junhong était coupable de quelque chose de grave, un viol ou un homicide, mais le pauvre garçon n'avait rien fait d'autre que garder un secret pour une amie.

Néanmoins Jinhwan arrivait à comprendre la colère de Kim Kiji. Ce devait être difficile pour lui d'apprendre que sa défunte fiancée aurait eu une liaison et qu'un de ses proches étaient au courant. Il ne pouvait pas imaginer ce qu'avait pu ressentir Kiji mais il se doutait que c'était une profonde douleur mélangée à un sentiment de trahison.

Jamais Jinhwan n'était tombé amoureux d'un homme ou d'une femme comme Kiji avait été amoureux de Seiyeon et ce genre d'amour le faisait rêver. Il savait qu'il était encore jeune, qu'il avait le temps. Mais l'amour était quelque chose qui le faisait rêver en chaque instant. Il voulait lui aussi un jour penser à une personne sans jamais s'arrêter, avoir un sourire constant au visage parce que cette personne est à ses côtés. Une personne pour qui il serait capable de mourir.

Car pour Jinhwan l'amour signifiait être capable de tout pour une personne, jusqu'au sacrifice. Et il n'y avait aucun doute sur le fait que s'il l'avait pu, Kiji aurait tout fait pour être à la place de Seiyeon. Mais le hasard en avait voulu autrement et Seiyeon fut la victime.

Mais est-ce que cet amour suffisait à justifier un tel acte envers Junhong ?

Pour Jinhwan il était évident que non. Junhong n'était en rien responsable dans la mort de sa sœur alors il ne méritait pas la mort. Il pensa alors au coupable, le véritable tueur, méritait-il vraiment la mort pour ce qu'il avait fait ? Jinhwan serait-il capable de se tenir droit devant lui, pointant une arme sur ses sourcils comme Kiji venait de le faire avec Junhong ?

Jusqu'à présent il était certain de pouvoir le faire, pouvoir retrouver l'homme de rendre justice à sa sœur. Mais maintenant qu'il avait vu la force de Kiji, sa détermination armée, il se demandait si lui aussi aurait la force de le faire. Si un jour il pourrait à son tour se tenir droit devant un être humain sur qui il pointerait une arme. La réponse été bien évidemment non.

Jinhwan n'était pas un tueur. Il n'en serait jamais un. S'il avait rejoint Yongsang-Gu ce n'était pas pour devenir goons et suivre Kiji dans ses escapades nocturnes où il brisait les os des hommes d'autres gangs qui venaient sur leur territoire. Si Jinhwan avait rejoint Yongsang-Gu c'était pour la protection de Yongguk et la facilité d'accès aux renseignements dont il avait besoin pour son enquête personnelle. La ville et les forces de police étant corrompus par Yongguk il se doutait qu'il n'avait que quelques mots à dire pour obtenir ce qu'il souhaitait. Mais jamais, jamais il ne tuerait quelqu'un.

 

Quand le salon fut finalement vidé de tous ses hommes, Jinhwan réussi à se hisser sur ses pieds pour quitter à son tour la pièce. Il se dirigea directement à l'extérieur, passant le pont pour voir si Kiji n'était pas parti dans le hangar d'entraînement mais les portes étaient closes. Il vit alors sa silhouette quelques mètres plus loin, s'enfonçant sur un sentier de la forêt. Jinhwan hésita un instant puis prit le même chemin pour suivre Kiji qui marchait nonchalamment.

Il le retrouva assit contre le tronc d'un vieil arbre, la lèvre gonflée et la joue rouge. Les hommes avaient dû le frapper. Timidement Jinhwan s'avança à sa hauteur et s'assit en tailleur face à lui. Étonnamment il n'eut aucune remarque acerbe du garçon, il resta silencieux, le crâne contre le tronc et les yeux clos. Il semblait plus apaisé qu'il y a encore quelques minutes, comme si les coups qu'il s'était prit l'avaient détendu. Cela était-il seulement possible ? Inconsciemment et dans l'attente des premières paroles de Kiji, il se mit à caresser l'herbe glacée autour de lui, puis l'arracha par petite touffe.

• Je suis bien puni, tu ne trouve pas ? Demanda-t-il à Jinhwan en gardant les yeux clos. Mes parents meurent alors que je ne suis qu'un bébé, je passe mes premières années avec ma tante qui fini par mourir d'un cancer, je suis ensuite envoyé dans un foyer d'où je m'enfuis pour finir avec Yongguk où je suis finalement bien, je rencontre ta sœur qui fait mon bonheur, elle m'est enlevée par la mort et maintenant j'apprends qu'elle aurait eu une liaison avec un autre homme. Je sais que je ne suis pas un ange, mais est-ce que je méritais vraiment tout ça ?

• Tu n'es peut-être pas un ange, mais je n'ai jamais vu un seul démon avec Winnie et Tigrou tatoué sur le bras.

• C'est une représentation de Yongguk et moi, dit-il dans un léger rire. Cet idiot est un fan incontestable de Tigrou et il m'a toujours comparé à un ours du coup … voilà.

En silence Jinhwan ne put s'empêcher de rester ébahit par l'amitié qui liait Kiji à Yongguk, une amitié si forte qu'il l'avait tatoué sur sa peau. Il attrapa alors le bras de Kiji qui se laissa faire et observa les tatouages. Il y en avait tellement qu'il ne pouvait pas tous les distinguer correctement mais il devinait que chacun représentaient une parti de la vie du jeune-homme.

• Je ne pense pas qu'un jour Seiyeon ait pu te tromper. Je ne la connaissais pas autant que toi, mais j'en doute. Elle semblait vraiment t'aimer sur ce que j'ai vu.

• Ce que tu as vu ?

• Oui. Il y avait de nombreuses VHS dans notre maison sur Jeju et vous étiez toujours que tous les deux. Puis elle a laissé une boîte à souvenir, sous la statue de Ganesh, Yongguk me l'a donné. À l'intérieur il y avait les photos que je t'avais donné, sa veste en jean et plein d'autres choses. Je ne sais pas ce que c'est que d'aimer quelqu'un, d'aimer à ce point là. Mais j'imagine que l'infidélité est impossible quand il y a un tel amour. Tu ne devrais pas douter de son amour.

• Alors qu'est-ce qu'elle allait faire ? Pourquoi est-ce qu'elle ne m'en parlait pas ? Si elle prenait de telles précautions pour garder ces escapades secrètes ce n'est pas pour rien.

• Elle avait peut-être découvert quelque chose dont elle t'aurai parlé plus tard.

• Comme quoi ? Et pourquoi est-ce qu'elle serait aller voir un autre homme ?

• Je n'en sais rien ! Pour ça il faudrait aller voir au club directement !

• Tu veux aller au Boys To Men ? Je n'y suis pas allé depuis des mois, admit-il.

• Je n'y suis allé qu'une seule fois et j'y ai appris que Dakota avait été extrêmement jalouse de Seiyeon vis à vis de toi et qu'elle avait été tuée il y a quelques temps.

• Qui t'as dit ça ?

• Une certaine Wendy, elle était au bar.

• Wendy … Wendy … je vois. Elle est dans notre réseau de prostituée.

• Vous savez un réseau de prostituées ? Critiqua Jinhwan avec une grimace.

• Y'a que Yongguk et Jiyong qui aiment s'enfiler des mecs, le reste on préfère largement les vagins bien épilés.

• Tu as déjà fait appel à …

• Une pute ? Pourquoi aurais-je fait appel à une pute quand j'avais ta sœur ?

• Et qui … qui est Jiyong ?

• Kwon Jiyong, le petit génie autosuffisant et insupportable du groupe. Il est insupportablement intelligent et hautain ce type, il change souvent de couleur de cheveux, là il les a orange je crois. Hyper discret quand t'es membre d'un gang. Bon, on y va ?

• Au Boys To Men ? Maintenant ?

• Tu comptes y aller demain à 10H quand ce sera fermé peut-être ?

 

 

 

C'était la deuxième fois que Jinhwan mettait les pieds dans cette partie d'Itaewon, mais cette fois il était accompagné de Kiji et il se sentait beaucoup moins intimidé. Ils n'eurent aucun problème à rentrer, chacun une fille au bras déjà prête à lui offrir son corps. Mais ils n'en firent rien et rapidement trouvèrent ladite Wendy qui se trouvait toujours derrière le bar. Simplement habillée d'un léger chemisier blanc qui laissait apparaître sa poitrine généreuse. Jinhwan devina qu'elle ne portait qu'une jupe à l'imprimé écossais en dessous. Il se fit la remarque qu'elle avait bien changé depuis la dernière fois qu'il l'avait vu. Elle avait sans doute eu recours à la chirurgie esthétique pour sa poitrine et ses lèvres. Maintenant elle était aussi vulgaire que les autres. La faute à la ion ?

• Salut Wendy ! Fit Kiji en prenant place au bar. Tu nous serres deux whisky s'il te plaît.

• Tout d'suite mon chou.

Elle revint quelques secondes plus tard avec deux verres de whisky et son décolleté plongeant.

• Hey mais c'est le petit frère de Seiyeon ! Vous venez voir Mademoiselle Lee ?

• Non, répondit Kiji, c'est vous qu'on viens voir. On a deux ou trois petites choses à vous demander. À toutes.

• Comme quoi ?

Sans passer par quatre chemins Kiji lui expliqua aussitôt la situation, essayant de savoir si la barmaid pouvait savoir quelque chose à ce sujet et les aider. Lorsqu'il eut terminé de lui donner toute la description physique de Junhong, Wendy posa la bouteille de whisky et se mit à réfléchir.

• Je me souviens bien de ce gamin. Seiyeon venait souvent avec lui oui.

Wendy fouilla dans sa mémoire pour leur raconter une soirée de mars 2012. D'après Kiji c'est à ce moment-là que Seiyeon avait commencé à se conduire différemment dans le gang, chose que Jinhwan venait d'apprendre : jamais personne ne lui avait dit qu'elle avait agis étrangement.

 

*

 

Boys To Men. Samedi 10 mars 2012.

 

C'était une nuit absolument magnifique. Le ciel était dégagé et la température était des plus agréables. Dans ces moments Wendy n'avait aucune envie d'être enfermée au club, elle voulait gambader le long de Han River et profiter de cette légère brise sur son visage. Mais il n'en était pas question. Elle vit alors Kim Seiyeon arriver en compagnie du jeune Junhong qu'elle amenait souvent ici ces derniers temps. Seiyeon lui demanda alors :

• Dis, Wendy, est-ce que tu pourrais rester avec dans une antichambre ? Je te payerai double mais tu dois rester avec lui jusqu'à mon retour.

• Pourquoi tu me demandes ça ?

• Ca n'a pas d'importance, tu peux faire ça pour moi ou pas ?

• Si je suis payée double pour faire la babysitter oui. Mais réponds-moi : pourquoi est-ce que tu me demandes ça ?

• Il faut que je fasse quelque chose d'important, de très important et il me couvre pour cela et en échange et bah … bah il passe du temps ici.

• Si Mademoiselle Lee le savait …

• Mademoiselle Lee n'en saura rien.

Pour acheter le silence de Wendy, Seiyeon allongea une somme conséquente sur le plateau du bar avant de lancer un regard entendu à Wendy qui en pâlit.

• Je pars dans une antichambre avec, rejoins-nous d'ici deux minutes.

Soucieuse la jeune apprentis du Boys To Men observa Seiyeon s'en aller en tirant le jeune garçon par la main. C'était étrange comme demande. Lorsqu'elle eut rangé ce qui traînait sur son bar elle en fit le tour avant d'être bloquée par Dakota.

• Ta place est au bar, trancha la use.

• Je suis appelée dans une anti-chambre.

• Ta place est derrière le bar, si tu étais assez douée tu serais en show et l'accès aux antichambres te serait autorisé, mais tu es clouée au bar alors restes-y. Je m'occupe du garçon.

Elle n'avait aucune envie que Dakota rejoigne l'antichambre où se trouvait Seiyeon, elle savait très bien ce qu'il s'y passerait : Dakota se fichait qu'ils soient mineur, majeur ou vieux, elle voulait juste rallonger la liste des hommes avec lesquels elle avait couché. Prétextant que c'était la seule façon pour elle d'oublier qu'un jour elle avait été rejetée par un homme qui préférait les hommes. Alors d'un mauvais œil Wendy suivit la fausse blonde platine rejoindre les antichambres et entrer dans l'une d'elle.

Il n'y avait pas grand monde pour le moment alors Wendy put sans soucis quitter son poste pour aller faire un tour dehors sans crainte les moindres représailles. Elle attendit quelques instants avant de voir un garçon aux cheveux bleu turquoise apparaître, les bras chargés de tatouage et l'air distant. Cachée derrière un conteneur à poubelle elle observa Seiyeon passer par la sortie de secours pour rejoindre le garçon, lui donner une étreinte avant de le suivre. Ça ne pouvait pas être son petit-frère, Seiyeon avait été claire sur le fait qu'ils ne se parlaient plus et que son petit-frère était bien plus petit qu'elle. Ce garçon là était clairement plus grand et plus âgé.

À pas de loup elle les suivit alors jusqu'à les voir entrer dans une hybride blanche et partir en direction du boulevard. Quand elle retourna dans le club, Wendy passa par la sortie de secours et longea les antichambres. Dégoûtée mais néanmoins peu surprise, elle entendait les hurlements agaçants et surfaits de Dakota. Quelques minutes plus tard elle quittait l'antichambre pour se refaire une beauté dans les toilettes, c'est à ce moment là que Wendy rejoignit Junhong, le retrouvant assis sur le canapé, débraillé et haletant.

• Première fois ? Demanda Wendy en lui tendant une bouteille d'eau.

• Ouais, souffla-t-il en riant. Seigneur … Si j'avais su je serai venu ici bien avant.

• Pour te faire dépuceler par une prostituée sur qui toute la ville est passée ? Choix de vie intéressant.

• Elle est tellement … C'était … Wow. Par contre elle m'a posé pas mal de questions sur Yongguk pendant qu'on … enfin tu vois.

• Oui, je vois. Yongguk, c'est ton patron ?

• Tu travailles ici et tu ne sais pas qui il est ?

• Non ? Je devrais ?

• Un peu ! Ricana Junhong. C'est le patron, au-dessus de Mademoiselle Lee. C'est lui qui gère le réseau de putes et qui vous protège. C'est pour ça qu'il vous arrive jamais rien.

• Pour ça aussi que des gamins comme toi sont autorisés ici pour venir se faire baiser ?

• Théoriquement je ne suis pas autorisé ici, je ne suis là que pour aider Seiyeon.

• L'aider à quoi ?

• J'en sais rien, elle avait besoin que je sois ici pendant qu'elle allait avec ce type … Je ne connais pas son nom.

• C'est son amant ?

• Non ! Enfin, non je pense pas. Elle aime vraiment Kiji mais ça fait quelques temps qu'elle est zarbi.

• Comment ça ?

• Bah t'sais, genre, tu vois elle est plus comme avant. Elle rentre plus rarement à la maison, elle parle plus beaucoup et passe vachement d'temps dans les journaux. J'sais pas ce qu'elle fait, mais elle est vraiment chelou. Sinon, tu fais quoi là ?

• Du babysitting. J'dois te garder jusqu'au retour de Seiyeon.

• On pourrais …

• Non ! Certainement pas !

 

*

 

• Tu es en train de me dire que cette garce c'est aussi tapée Junhong ? Frappa du poing Kiji.

• Elle s'est tapée tout le monde si ce n'est Yongguk, fit Wendy en haussant les épaules. Pis le petit, il revenait tout le temps, elle ne le faisait même pas payer !

• Il est si bon que ça le con ?

• J'en sais rien, ça c'est pas avec moi qu'il faut en parler.

• C'est pas le sujet, rectifia Jinhwan. C'était qui ce type aux cheveux turquoises ?

• Aucune idée, il ne rentrait jamais dans le club. Elle le rejoignait toujours à l'extérieur et elle revenait toujours seule.

• Elle ne t'a jamais dit de qui il s'agissait ?

• Jamais.

 

 

Quelques jours plus tard Jinhwan n'avait toujours aucune idée de qui pouvait être ce garçon aux cheveux turquoise et il n'avait pas eu trop le temps de s'en occuper. Il avait passé son temps à vagabonder en ville avec Junhong qui se voulait moins bavard. La mésaventure avec Kiji semblait encore lui trottait dans la tête alors Jinhwan essayait de lui changer les idées quand ils se retrouvaient tous les deux, choses difficiles. Junhong se sentait coupable et donnait raison à Kiji : s'il n'avait pas gardé le secret des disparitions récurrentes de Seiyeon, elle serait encore en vie.

Le printemps était arrivé avec le chant des oiseaux. Yongguk lui, avait disparu depuis maintenant deux jours. Il n'avait prévenu que Kiji qui le remplaçait lors de ses déplacements. Alors tous les matins Kiji dictait le programme de la journée à chaque membre et s'enfermer dans le hangar pour entraîner Jinhwan. Ces sessions duraient entre un et deux heures, par la suite Jinhwan partait avec Junhong et revenait au soir. Jinhwan était toujours l'un des premiers à se coucher, il n'avait pas envie de passer ses soirées autour d'une table de poker avec les autres membres du gang ou bien encore avec une des quelques prostituées qui déambulaient dans le salon. Non, Jinhwan préférait rester au calme dans sa chambre et essayer de passer une nuit paisible.

La vie sans Yongguk au repère était paisible, ennuyante mais paisible. Jinhwan essayait toujours de savoir quand est-ce qu'il allait revenir mais Kiji lui riait au nez avant de lui dire qu'il était mignon, puis il partait. Mais un soir, alors qu'ils se trouvaient tous les deux dans le hangar pour l'entraînement de Jinhwan, Kiji reçu un coup de téléphone de Yongguk et suite à ça, l'expression de Kiji se métamorphosa et l'entraînement prit fin sur le champs.

• Qu'est-ce qu'il se passe ? Demanda Jinhwan en suivant Kiji à l'extérieur.

• Je n'ai pas le temps de t'expliquer, cracha Kiji avant de courir à l'étage pour frapper à toutes les portes de chambre. BOUGEZ VOUS YONGGUK A BESOIN DE NOUS ! PRENEZ TOUT CE QUE VOUS POUVEZ IL VA Y AVOIR DES OS BRISÉS CE SOIR !

• Des os brisés ? Kiji dis-moi ce qu'il se passe, Yongguk est en danger ?

• Il le sera beaucoup moins si tu fermais ta gueule et que tu restais bien sagement là !

Kiji avait peur, tous les hommes qui quittaient leur chambre habillés de noir et armés semblaient avoir peur. Le bruit de leurs bottes résonnait dans le hanok tandis que Junhong tirait Jinhwan en arrière pour libérer le passage et alors que le moteur des voitures s'était mis à hurler, Kiji se rapprocha des deux garçons :

• Garde le bien ici, fit-il à Junhong, qu'il ne bouge pas son joli cul d'ici.

Et il parti à bord d'un Mercedes Wagon noir, deux katanas dans le dos. Le repère était maintenant vide, tous les membres étaient parti sauf les plus jeunes et Jinhwan. Les voitures, roulant tous feux éteints, venaient de disparaître dans la pénombre de la nuit. Jinhwan observa alors autour de lui, Junhong venait de rejoindre les autres coureurs qui étaient restés au salon. Il attrapa alors rapidement une veste accrochée au porte-manteau ainsi que les clés de sa Rocket puis disparu.

Il ne mit que quelques instants à retrouver les Mercedes et aussitôt il éteignit son phare pour ne pas être repéré. Il roulait à une cinquantaine de mètres, essayant de toujours les avoir à l'oeil, et les suivit jusqu'à les voir arriver au niveau de Dumulmeori, en plein montagne, non loin de la rivière Han. Pourquoi venir ici ? Qu'est-ce qu'il y avait ici, spécifiquement ? Il éteignit alors le moteur de sa moto et commença à suivre les hommes qui avançaient à pas de loup.

Il n'avait pas eu l'autorisation de venir ici, et il le savait. Seulement s'il voulait comprendre ce qu'il se passait au sein du gang ainsi qu'en dehors il se devait d'être présent. Il voulait savoir qui étaient ses ennemis à présent, il voulait comprendre ce qu'ils leur voulaient, ce que Yongguk faisait quand il s'en allait.

À pas feutrés il se dirigea vers un terrain vague où se trouvait un bâtiment désaffecté dont la façade était maintenant recouverte de graffitis en tout genre. Il vit alors une silhouette quitter le bâtiment, il reconnu aussitôt Yongguk. Derrière lui d'autres hommes le suivaient, mais ils n'avaient rien à voir avec les goons de Yongsang-Gu. Jinhwan ne les avait jamais vu.

• C'est un beau cadeau que tu nous fait la Gukkie, fit un homme armé en se plaçant devant Yongguk. Tu te rends compte que tout ton réseau vient de s'effondrer ? Juste à cause de ça, dit-il en pointant le bâtiment.

• Si tu crois que tout se trouve ici, tu te plantes.

• Je me doute que non, un homme intelligent comme toi à sûrement d'autres cachettes, donc tu vas me les donner ou je vais devoir utiliser la force. Tu sais que tes hommes ne sont pas très résistants à la douleur ? En revanche tu peux en être fier, aucun d'eux ne parle. C'est affligeant comme ils peuvent être naïfs d'avoir confiance en toi.

• Ils ont confiance en moi parce que contrairement à toi je ne les torture pas !

• Non mais tu les envoie à l'abattoir.

L'homme donna alors un signe de tête qui fit venir un garçon dans la vingtaine, peut-être vingt-cinq ans. Il avait les cheveux argentés et n'était pas très grand. Il rappela vaguement quelqu'un à Jinhwan qui ne pouvait le voir, hélas, que de loin. Il lâcha alors le sac qu'il tenait dans ses mains devant Yongguk qui baissa les yeux dessus. Après un coup trois boules poilues sortirent du sac, Jinhwan ne mit que quelques secondes avant de comprendre qu'il s'agissait de tête décapitée. Il étouffa un hurlement dans sa manche, plongeant dans le buisson qui le camouflait pour essayer de faire le moins de bruit possible alors qu'il était à deux doigts de vomir. Il ne pouvait pas hurler, il ne pouvait pas vomir ni même pleurer. Il ne pouvait qu'être silencieux. Il essaya alors de contrôler sa respiration pour la rendre plus calme avec de grandes inspirations. Quand il se redressa légèrement pour voir ce qu'il se passait à présent la guerre venait d'éclater. Kiji et les autres venaient d'apparaître et se battaient aux côtés de Yongguk qui Jinhwan avait du mal à discerner. Il y avait un mélange de battes de baseball, katanas et armes à feu avec silencieux. Les balles sifflaient, les battes brisaient des os quand les katanas les découpaient. C'était un spectacle atroce que Jinhwan ne voulait pas voir pourtant il était là, caché derrière son buisson, complètement bloqué face à cette scène.

Tout à coup il vit Yongguk entourer par deux hommes qui le poussaient lentement vers les roches qui tombaient à-pic dans la rivière. Inquiet Jinhwan les suivit discrètement. Il savait qu'il ne pouvait rien faire, mais il ne comprenait pas pourquoi personne ne venait en renfort. Un des deux hommes fut tués à distance par une balle mais l'autre homme, celui qui devait être le chef d'après les hypothèses de Jinhwan, était toujours là et donnait beaucoup de mal à Yongguk. Il lui donnait de durs coups de battes dans les côtes alors que Yongguk essayait de se débattre comme il le pouvait. Il termina à genoux, au bord du vide avec l'homme qui se tenait droit devant lui, la batte sur les épaules. Jinhwan se rapprocha à nouveau, attrapant le revolver avec silencieux du mort sans faire de grimace. Son cerveau ne fonctionnait plus. Tout ce qu'il savait à présent c'était que Yongguk était en danger, que d'un instant à l'autre il pouvait mourir sans que personne ne soit venu l'aider et ça, Jinhwan ne pouvait pas le laisser passer.

Plus il se rapprochait, et plus il entendait la respiration haletante de Yongguk et l'homme qui lui demandait de prier. Il s'agissait donc d'un homme de Sindaebang. Une seconde se passa le temps que l'homme ne hisse sa batte, Jinhwan son revolver et que Yongguk ne tombe dans le vide. Aussitôt Jinhwan tira sur l'homme qui s'effondra après l'avoir regardé dans les yeux. Sans réfléchir davantage il couru vers le vide et plongea. Il allait probablement mourir puisque la rivière était profonde à cet endroit là, mais il y avait aussi énormément de roches tranchantes et s'il arrivait à attraper Yongguk qui n'était pas en état de nager, il y avait de grandes chances pour qu'ils se noient tous les deux. Mais Jinhwan plongea dans l'eau et nagea jusqu'à voir le corps de Yongguk couler lentement. Après avoir prit une grande inspiration il batailla contre le courant et les roches pour l'attraper par la main et le tirer avec lui jusqu'à la rive un peu plus loin.

Il parvint à les hisser en dehors de l'eau quelques dizaines de mètres plus loin, à l'abri de tout combat. Il arracha la veste et le t-shirt de Yongguk avant de commencer un massage cardiaque afin de le ramener.

• Ne me fais pas croire que je vais devoir te faire du bouche à bouche, gronda-t-il en continuant.

Mais il le fit jusqu'à ce que Yongguk soit prit d'une toux et ne crache toute l'eau qu'il avait avalé. Il était toujours en mauvais état, mais il était vivant. Jinhwan se laissa alors tomber à côté de lui et se mit à vomir tout ce qu'il avait dans l'estomac.