Lorsque la première neige tombe, tu ne sais pas si tu devrais t'en réjouir ou t'en attrister. Plus d'évènement ennuyant auquel tu dois assister. Plus besoin de faire la belle comme un animal à vendre. Plus besoin d'entendre ton frère te répéter de te tenir plus droite, de lever la tête, de sourire, de dire bonjour et tant d'autres. Plus besoin de faire semblant devant tous ces gens que tu ne connais pas.

Toutefois, cette joie de pouvoir enfin t'enfermer entre les hauts murs de ton château signifie aussi que tu ne pourras plus le croiser dans ces réceptions mondaines où l'on te force à te rendre. Plus de regards à la dérobée. Plus de sourire gêné mais attendri. Plus de signes de main qui se veulent discrets. Plus de rougissement lorsque vos bras ou vos mains se frôlent "par accident" lorsque vous passez l'un à côté de l'autre. Plus d'attente et de soulagement. Il ne te reste que l'attente. L'été prochain, peut-être...

Tu tires les rideaux de la fenêtre alors que tu marches à pas légers vers ton lit. Tu t'y laisses tomber en soupirant. Déjà tu veux le revoir. Tu entoures ton corps des draps mauves que tu chiffonnes dans la forme de ce cocon que tu crées autour de toi. Ton cœur bat si fort alors que tu repenses à lui : à son sourire étincelants, à ses yeux brillant d'intelligence et à la douceur de ses mains lorsqu'elles caressaient les tiennes dans un bref moment où les yeux des gens n'étaient pas sur vous. Ton cœur se serre et tu ne peux que sourire béatement alors que ton esprit revit le baiser- ce si doux et unique baiser - que vous avez échangé lors du dernier bal que ta cour a organisé avant l'arrivée de l'hiver.

Tu es sur le balcon ouest du château et tu maudis les étangs qui bientôt gèleront et les arbres qui, nus, se dressent devant toi. Tu voudrais leur remettre chacune de leurs feuilles pour espérer pouvoir prolonger la saison ne serait-ce qu'une semaine de plus. Malgré la tristesse et la déception que cette dernière soirée symbolise, tu ne peux te résoudre à rester à l'intérieur du château et mimer une sociabilité qui n'est pas tienne. Tu soupires alors que tu refermes ton manteau plus prêt de ton corps. Tu frisonnes alors qu'un courant froid fait danser les boucles de tes cheveux. La nuit te semble si triste avec son ciel sombre et ses nuages qui s'agglutinent autour de la lune.

Tu entends la porte du balcon qui se referme derrière toi. La curiosité te donne envie de te retourner, mais la crainte de ne pas voir la personne que tu voudrais te retient. Tu entends les pas de l'autre individu qui s'approchent de toi. Ses chaussures font craquer la neige à chaque pied qu'il pose au sol. Du coin de l'œil, à ta gauche, tu voix la fumée qui sort de la bouche de l'autre maintenant qu'il ne doit être qu'à un mètre de toi. Tu souris. Tu sens l'odeur de son parfum ; tu entends le souffle tremblant de sa respiration ; finalement, tu le vois qui se place près de toi, son dos accoté contre la balustrade. "Il fait froid ; pourquoi restez-vous dehors ? " Tu n'es pas certaine quelle réponse lui offrir. Tu te contentes de baisser la tête un instant avant de la relever et de poser ton regard sur lui. Son sourire est mal assuré - peut-être à cause du froid- et il se balance d'un pied à l'autre, mais jamais son regard ne t’a quittée. Tu rougis, mais il n'en remarquera rien à cause du froid qui déjà a coloré tes joues.

Tu restes surprise lorsque sa main va chercher la tienne dans la manche de ton manteau. Ils enlacent vos doigts ensemble et son sourire ne fait que s'élargir. Il ose quelques pas vers toi, son corps glissant contre le muret dont la neige va s'échouer dans le jardin lorsqu'elle est repoussée. Tu le regardes se placer devant toi, son pouce froid caressant délicatement le dessus de ta main. "J'ai peur de ne plus vous revoir" admet-il faiblement. "Si je le pouvais, je voudrais vous épouser. Vous êtes si belle, si précieuse : vous faites battre mon cœur." À ces simples mots, ton propre cœur commence à battre plus vite. Tu pinces les lèvres pour retenir un sourire trop heureux. Tu secoues la tête lorsqu'il te demande si cette déclaration te met mal à l'aise. Rien de lui ne pourrait te mettre mal à l'aise. Tu ne sais pas si tu l'aimes, mais assurément tu n'es pas indifférente à lui. Il attrape ta seconde main et la sert avec autant d'insistance que la première.

Vous restez ainsi, sans bouger, pendant un long moment qui pourtant te semble si court. Ton regard se perd dans le sien et ton cœur s'accélère alors que tu vois sa langue courir sur ses lèvres. Tu mords doucement les tiennes dans l'attente. Lorsqu'il se penche vers ton visage, ton souffle se bloque dans ta gorge et, malgré toi, tu te lèves sur la pointe des pieds pour aller à sa rencontre. Vos lèvres se touchent doucement, délicatement. Un baiser léger, presque respectueux. Tes yeux se ferment et tu te laisses envahir par l'émoi et la douce sensation de bonheur. Ses lèvres se reculent des tiennes, mais rapidement reviennent pour un autre baiser tout aussi tendre. L'envie de lui en demander ne serait-ce qu'un peu plus te traverse l'esprit mais ce ne serait pas digne de toi. Tu ne demandes pas ; tu ordonnes. Mais comment ordonné à quelqu'un qui t'es si bon ? Tes doigts serrent plus fortement les siens. Il t'embrasse avec un peu plus de force avant de se reculer, un sourire magnifique aux lèvres. Tu ne peux que lui sourire en retour. Tu oses à peine le regarder, mordillant ta lèvre inférieure sans savoir quoi faire ou quoi dire. Ses pouces caressent le dessus de tes mains et ce simple geste te rend si heureuse.

La porte du balcon s'ouvre derrière toi. Nul besoin de te retourner car la personne que tu aurais pu attendre est déjà au près de toi. Toutefois, cette dite personne se recule un peu et baisse la tête. Il se penche vers toi, le temps de te murmurer " je t'aime. Un jour, on se mariera." Ceci te fait rire. Tu caches ta bouche avec tes mains et rougis doucement. Tu ne peux espérer mieux. Il te fait un bref sourire avant de partir et retourner à l'intérieur. Tu restes un moment de plus dehors à simplement apprécier la douceur de cette proposition.

Tu repousses les draps loin de toi, ton sourire toujours aux lèvres alors que tu remets ton lit en ordre. Tu entends quelques coups être cognés et simplement par la manière qu'ils ont d'être frappés tu devines la présence de ton frère. Le connaissant, tu sais que nulle utilité de répondre à la porte.  En effet, à peine quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre et laisse apparaitre la figure de ton frère qui te sourit doucement. Tu lui souris en retour et l'invite à venir s'assoir à côté de toi. Son sourire s'élargit alors davantage, laissant apparaitre ses gencives.

Il se laisse tomber à ta droite et prend ta main dans la sienne. Il joue avec tes doigts alors qu'un soupire heureux s'échappe d'entre ses lèvres. " Es-tu prête pour ton mariage demain ? " Tu souris doucement et hoche la tête. Bien que ce mariage te semble un peu précipité, tu ne peux oublier la joie et le soulagement que tu as vu dans les yeux de ton frère le jour où la demande officielle fut faite. Ton futur époux est prince d'un royaume puissant, donc tu comprends que ton frère n'aurait jamais pu refuser de te donner en mariage à cet homme. Tu ressens le stress et l'appréhension quant à la cérémonie de demain.

Les doigts de ton frère glissent dans tes cheveux et lorsque tu tournes ton regard vers lui c'est pour voir la joie danser sur ses traits. "Tu seras si belle dans ta robe ; la plus belles de toutes les mariées du monde." Tu ris doucement à son exagération. Il dépose un rapide baiser sur le dessus de ta tête avant de te souhaiter une bonne nuit. À peine veux-tu lui répondre que déjà il est sorti et que la porte est refermée. Tu soupires avant de te glisser sous tes draps. Tu sais que tu devrais dormir mais toutes les émotions qui t'habitent t'en empêchent.

***

Tu regardes ton reflet dans le grand miroir alors que ton serviteur termine d'aplanir les derniers plis de la robe. Les larmes te montent au yeux lorsque tu te vois : ta grande robe d'un blanc pur, tes longs cheveux soigneusement remontés sur ta nuque, tes mains gantées et ton diadème qui étincelle à chaque mouvement que tu fais.

Youngjae se relève, visiblement fière de son travail. Sa main se pose sur ton épaule et le sourire qu'il t'adresse est incertain. Tu prends une grande inspiration dans l'espoir de te calmer. Tu te tournes vers la porte lorsque quelques coups y sont cognés. Ton frère entre et marche vers toi à grandes enjambées, un très large sourire suspendu aux lèvres. IL te regarde de haut en bas et te dis que tu es belle et que s’il n’était pas ton frère il te demanderait en mariage à l’instant. Tu ris à l’entendre dire de telles absurdités. Le voir d’humeur si gaie te fait du bien, car depuis la mort de votre père, quelques années auparavant, Yongguk te semblait plus soucieux, plus tendu. Mais ce mariage semble l’enchanter à un point que tu ne peux nier que sa propre joie crée un peu la tienne. Il prend ta main et te demande, pour la forme, si tu es prête. Tu prends une grande inspiration avant d’acquiescer.

Au rythme de l’orgue, tu descends la grande allée qui mène à l’autel, au bras de ton frère. Tu regardes ton futur mari qui te fait un large sourire en te tendant la main. Rendue près de lui, Yongguk dépose ta main sur la sienne et tu gravis avec cet homme les quelques marches. Le prêtre commence à parler, mais tu écoutes à peine ce qu’il dit ; trop d’émotions se bousculent en toi. « Christine Bang, […] jusqu’à ce que la mort vous sépare ? » Tu regarde Himchan qui te fait un magnifique sourire, attendant ta réponse bien qu’il la connaisse déjà. « Oui, je le veux. » Tu fais un petit sourire à ton futur mari tout en baissant la tête. « Si quelqu’un veut s’opposer à ce mariage qu’il le fasse maintenant ou qu’il se taise à jamais… » Tu porte ton regard vers la salle, vers ces convives inanimés qui regardent passivement la scène. Tes yeux rencontrent ceux de Daehyun qui se mord la lèvre avant de baisser honteusement la tête. Il avait promis ! Il t’avait promis qu’il allait t’épouser : il avait été le premier à te le demander. Pourquoi ne dit-il rien ? Pourquoi ne se lève-t-il pas en criant qu’il refuse ce mariage, qu’il t’aime et qu’il est le seul qui devrait avoir le droit de t’épouser ? Pourquoi ? Pourquoi l’homme que tu aime et qui t’a volé ce si doux baiser au dernier bal ne fait-il rien ? Une larme coule de ton œil alors que tu te fais à l’idée que tu es bel et bien en train de marier un homme que tu n’aimes pas parce que celui que ton cœur veux est trop lâche…

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J'espère que l'histoire vous a plu :)

Soyez pas gênés de commenter et bonne année <3