Le weekend d’après, mon patron était bien plus détendu. Les commandes n’arrêtaient pas d’arriver et l’organisation s’était vraiment améliorée. On n’avait plus besoin de se dépêcher autant qu’avant et une bonne ambiance commençait à s’installer parmi les membres du personnel. C’était vraiment agréable, tout le monde s’appelait par leur prénom ou avec de petits surnoms. Le boss nous avait même offert à chacun une barquette de poulette et une bouteille de bière. Il avait même dit qu’il nous inviterait tous un soir au restaurant dès qu’on aurait le temps. Je n’y croyais pas trop, mais, c’est l’attention qui compte n’est-ce pas ?

Alors que je remplissais une barquette, le patron vint me trouver, me passa le téléphone et m’informa qu’un client voulait me donner des précisions sur la livraison que je devais effectuer. Même si je trouvais ça bizarre, je pris quand même l’appel.

• Allô, bonjour, Guimet, livreuse de poulet au téléphone.
• Guimet ! C’est Onew ! Il parlait vite et avait l’air pressé.
• Oh, oui ! Je peux t’aider ?
• On a oublié de te dire… Mais en vérité nous sommes connus, nous sommes des chanteurs, les SHINee. (Comme si je ne le savais pas…) En ce moment, plusieurs fans nous tournent autour et tentent de nous rencontrer par tous les moyens. Elles sont complètement folles. On commence à avoir un peu peur et on a plus grand chose à manger ici. On veut que tu sois prudente en venant. Mets des lunettes et couvre toi bien le visage avec un bonnet et une grosse écharpe. Ne laisse entrer personne dans l’immeuble et mémorise bien le code, c’est 2611. On a pas encore changé d’appartement et on t’attend avec 3 barquettes classiques et 3 spéciales épicées. Va aussi chercher de la bière au supermarché, s’il te plaît, je te rembourserai, ne t’inquiète pas.
• Ah d’accord… Répondis-je en recopiant tant bien que mal sa commande, il avait vraiment parlé vite. J’arrive aussi vite que possible.
• Merci beaucoup, fit-il soulagé avant de raccrocher rapidement.

Comme il me l’avait demandé je partis chercher mes lunettes, enfonçais mon bonnet sur ma tête et enroulais mon écharpe autour de mon cou. Je pris mon téléphone pour voir ma tête. Je ne ressemblais à rien, ou peut être à une pile de linge d’hiver. En sortant, je passais devant mon patron qui me jeta un regard bizarre. Il devait se demander pourquoi il avait engagé une européenne aussi originale… Je partis donc en faisant mine de trembler de froid et en disant « Chuweo, chuweo » (j’ai froid, j’ai froid) pour qu’il arrête de m’observer de la fenêtre de son bureau.

Dans la rue, les gens chuchotaient sur mon passage : « est-ce que c’est une idol ? » « Est-ce que c’est une actrice ? » « Tu la connais toi ? ». C’était un peu bizarre. Je fis un arrêt au supermarché pour acheter la fameuse bière. Le vendeur me regardait aussi avec un air suspicieux. Je ne passais vraiment pas inaperçue. J’ai donc raconté au pauvre gars un peu ma vie en disant que j’avais vraiment froid parce qu’en France il ne pas fait en dessous de 0, ou sinon vraiment rarement. Alors c’est pour ça que je devais m’habiller de cette façon, je n’étais pas encore habituée. Il me répondit avec un sourire qu’il en était désolé, qu’il espèrait que j’allais réussir à faire avec et m’offrit même un chocolat bien chaud. Je le remerciai poliment et sortis aussi vite que possible pour pouvoir effectuer ma livraison. Je me sentais un peu mal d’avoir raconté autant de choses au vendeur, c’était à moitié des salades… Mais je faisais mon boulot…

En arrivant près du quartier où habitent les SHINee, je remarquai bien qu’il avait du changement. Il y avait effectivement plus d’agitation. Malgré le froid, plusieurs groupes de filles, essentiellement (mais pas que !) étaient assises sur des bancs et certaines sirotaient du café fumant. Elles étaient toutes très attentives à tout et scrutaient chaque personne qui passait. Je baissai donc un peu mon écharpe pour recouvrir ma bouche et tentai de rester aussi naturelle que possible. Elles avaient toutes les yeux rivés sur une porte. Celle de l’immeuble des SHINee, évidemment…

Heureusement, depuis le début, je ne rentrais que par une autre entrée, plus petite et discrète par laquelle l’accès se faisait par une porte ne s’ouvrant que par un code. Je m’organisais donc tant bien que mal pour taper le code sans tout faire tomber. Au moment d’entrer, je vis une fille accélérer le pas, dans ma direction. Je m’engouffrai donc à l’intérieur et refermai la porte le plus rapidement possible, au cas où il s’agirait d’une fan cherchant à s’introduire chez les SHINee. On n’est jamais trop prudent. Et j’avais bien fait. Elle commença à tambouriner à coups de pieds la porte. D’abord relativement doucement, je faisais mine de ne pas entendre. Elle mettait des coups de plus en plus forts dans la porte puis soudainement un encore plus fort que les autres qui me fit sursauter de l’autre bout du couloir (il fallait marcher un peu plus pour atteindre le hall avec les ascenseurs, l’entrée était comme dérobée). Je ne pouvais vraiment plus l’ignorer et rebroussai chemin. Je mis ma tête près de la porte, sans pour autant l’ouvrir et attendis. Elle m’expliqua, en coréen, qu’elle avait soit disant oublié le code pour aller chez son amie. Je fis semblant de ne pas comprendre, malheureusement elle reprit en anglais avec un fort accent. Je lui dis alors que j’étais française et que je ne comprenais pas dans cette langue non plus. Je la saluai avec un « sorry » et repris mon chemin vers l’ascenseur en pressant le pas de peur que la fille ne défonce vraiment la porte, elle en avait l’air capable. Et je n’avais aucune envie de l’affronter.

Alors que j’attendais l’ascenseur, un homme vint me parler :

• Bonjour mademoiselle, je suis le gardien, il me présenta son badge, puis-je vous demander comment vous être rentrée s’il vous plaît ?
• Bonjour monsieur, fis-je en le saluant. Je suis livreuse de poulet, je lui montrai le logo sur le carton, le client m’a donné le code. Il me fait confiance, lui répondis-je avec assurance.
• Et quel est-il ?
• 2611 monsieur, fis-je du tac au tac.
• Oh, tu le connais bien ! S’exclama-t-il avec un sourire.
• Le client m’a demandé de bien le mémoriser alors je fais mon travail ! Lui expliquai-je en lui rendant son sourire.
• Je t’ai déjà vu passer 2 fois le week-end dernier, ils doivent vraiment bien aimer le poulet !
• Oui, c’est sûr !
• Je vais te voir passer souvent alors. Je suis Shin Heohgak.
• Enchanté, fis-je en le saluant. Je suis Guimet.

C’est à ce moment là que l’ascenseur arriva et je le saluai encore une fois avant que les portes ne se ferment. Il devait avoir une bonne cinquantaine d’années, il avait l’air si gentil et faisait bien son travail.