Tell Me Now

Tell Me Now

Il n'y avait jamais eu de lendemain et ils ne se souvenaient que rarement d'hier, il n'y avait que la danse éternelle du soleil et de la lune s'enlaçant et se repoussant tour à tour pour laisser place à cet hier et ce lendemain dont ils ne se souciaient pas.

Elle avait fait de mauvaises rencontres au mauvais moment, elle avait voulu bien faire, elle avait cru prendre la bonne décision. N'avait fait que tomber dans un piège qui n'aurait même pas dû exister.

Il n'avait jamais tenté d'y échapper, s'enfonçant toujours plus dans cette médiocrité qui l'avait mené au mauvais, qui l'avait traîné plus bas qu'il n'y était déjà, comme si c'était encore possible.

Elle avait toujours été de ces petites filles au sourire charmant, celles sur lesquelles se posent les regards ers, celles que l'on voudrait corrompre, celles dont on veut à la fois serrer le cou gracile entre des doigts glacés, mais dont on veut aussi faire goûter à la brûlure de la débauche. Celles à qui on vole l'innocence pour les laisser ivres mortes sur le trottoir, quelques tâches roses pâles au creux du bras et des billets dépassant du soutien-gorge.

Il n'avait connu que ça, la misère et les gestes impardonnables pour y survivre, ces gestes qui ne valaient rien mais qui valaient tout pour lui. Ces gestes qu'il avait fait encore et encore, tendant la main pour voler un quignon de pain, pour recueillir un peu d'eau à peine potable et se rendre malade, à défaut d'en mourir. Ces gestes qui lui avait maintes fois sauvé la vie et la sauverait encore tandis qu'il arrachait quelques portefeuilles dont il ne gardait que les billets.

Elle avait fait parti de ces jeunes filles pas tout à fait brillantes, pas tout à fait incapables, travaillant tard le soir pour se payer des études et ne voyant pas la fin de la nuit pour finir ses devoirs, finissant par s'endormir sur sa table, les doigts tâchés d'encre et une larme de khôl sur la joue, les lèvres pâlies par la fatigue ne supportant plus le gloss depuis bien trop longtemps.

Il n'avait jamais été à l'école, se contentant de vandaliser les écoliers en sortant et se faisant caillasser comme si un bleu de plus pouvait faire réagir les parents, alerter quelqu'un de son état. Mais la seule chose qui avait changé c'était les années et il avait continué à traîner les rues, enfant abandonné devenant adolescent paumé dont les yeux ne brillaient plus, l'espoir envolé dans la fumée de la délinquance.

Elle s'était écartée du droit chemin sans le savoir, se perdant dans l'interdit en pensant retrouver enfin celui de la réussite. N'avait fait que s'effondrer, rongée par le besoin d'argent et d'excellence au point de n'avoir plus besoin que de la mort parce qu'elle ne pouvait plus supporter ça, parce que son corps n'était pas fait pour payer des cours qu'elle ne suivait même plus, exténuée alors que les mots dansaient devant ses yeux, les leçons grésillaient dans ses oreilles et les billets tombaient de ses poches.

Il avait cru trouver le moyen d'oublier sa misère à défaut de la quitter, se perdant dans des étreintes brûlantes en pensant trouver le pardon en donnant quelques billets. N'avait fait que se perdre un peu plus, abandonnant le peu qu'il avait pour oublier toujours plus, un reste d'alcool sur la langue et un arrière goût de e sur les lèvres. Mais il n'était pas fait pour les voir danser, pour les entendre crier, pour leur donner des billets qui leur permettaient de survivre, c'était à peine s'il pouvait les aimer.

Elle n'avait plus été capable de le supporter, n'avait plus été capable de mentir, ni même ne se rendre en classe parce que c'était bien pire de voir toutes ces filles qui allaient bien, dont les parents payaient les cours, que de voir ces hommes sans scrupules qui ne pensaient qu'à la baiser comme si elle n'était bonne qu'à ça. Elle n'était bonne qu'à renverser la tête en arrière et laisser l'alcool lui brûler la gorge, réchauffer sa peau rendue glacée par la seringue enfoncée dans son bras trop pâle et sa peau trop tendre. Elle n'était bonne qu'à se laisser mourir pour que tout cela s'arrête. Elle n'avait besoin que de mourir.

Il avait eu besoin de s'arrêter devant cette silhouette sombre recroquevillée au sol dans le nightclub, de s'intéresser à quelqu'un d'autre que lui-même pour oublier qu'il ne pouvait qu'aimer sa propre personne parce que c'était le seul moyen de survivre. Il avait abaissé ses paupières sur ses yeux révulsés, il avait arraché la bouteille serrée entre ses doigts glacés, il avait soulevé son corps trop maigre et l'avait tenue dans ses bras plutôt que de la laisser se perdre une dernière fois dans des bras qui ne voulaient que son corps. La mort ne voulait que des os blancs entourés de poussière et de vers, pas d'une femme brisée.

Elle avait décoloré ses cheveux comme si cela pouvait lui permettre de redevenir pure, elle avait couvert ses lèvres d'un rouge qui leur avait manqué, elle avait offert son corps parce qu'elle le voulait et non plus parce que son corps été voulu. Elle avait ouvert les yeux sur cette débauche qu'elle pouvait vivre pleinement et non plus seulement subir, elle avait sombré dans la dépravation avec la joie du condamné qui inspire une dernière fois avant que la corde ne se resserre autour de son cou et ne lui brise la nuque.

Il avait ouvert son coeur en plus de ses bras, il l'avait accueillie contre son torse et l'y avait gardée, une bouteille d'alcool à la main, une cigarette aux lèvres et sa main à elle dans la sienne. Il avait posé son menton au creux de son épaule, l'avait embrassée comme si elle était la chose la plus précieuse au monde, comme si elle lui appartenait, lui avait donné des étoiles en échange d'un sourire, la laissant le rejoindre dans la misère parce qu'il n'y avait rien de plus sincère que ce qu'ils pouvaient vivre ainsi.

Elle s'était réfugiée dans ses bras et était restée contre lui, elle avait partagé bouteille et cigarettes, lit et couverture parce qu'ils n'avaient que ça et que ça leur suffisait, entre deux baisers et un sourire, le regard plongé dans le sien et les yeux pétillants à chaque fois qu'il lui parlait, la touchait. Il l'avait serrée contre lui et lui avait murmuré que maintenant elle pouvait se perdre, elle ne risquait plus rien puisqu'il était là pour la retrouver, ou l'accompagner si elle voulait rester égarée. Il lui avait dit qu'il serait là.

Ils n'avaient jamais compris qu'un jour il y aurait un lendemain, qu'un jour ils auraient besoin de se le dire, qu'un jour il faudrait partir. Qu'un jour le lendemain serait l'un sans l'autre et qu'ils ne pourraient plus que se regarder et se supplier de se le dire, qu'ils auraient peur qu'il ne soit trop tard, qu'ils auraient peur de disparaître. Ils s'appelleraient, ils s'éloigneraient, refuseraient de se regarder, refuseraient que la journée ne se termine. Ils ne voudraient que fermer les yeux et oublier le lendemain comme ils oubliaient hier parce qu'ils ne voulaient que se le dire.

Il y avait toujours eu quelque chose d'incertain, comme s'ils n'avaient pas envie de partir. Il y avait toujours cette fin qu'ils repoussaient encore et encore pour tenter de rester ensemble, pour tenter de ne pas disparaître. Il y avait toujours eu cette chose qu'ils ne se disaient pas.

Il ne savait pas aimer quelqu'un d'autre que lui-même et ne s'aimait pas vraiment non plus. Le reflet du miroir était trop souvent hideux mais il aurait voulu la voir elle dans cette glace fissurée.

Elle n'avait jamais été faite pour ça et ne le serait jamais. Le piège s'était refermé sur elle et elle n'aurait jamais dû y tomber comme il n'aurait pas dû exister mais elle aurait voulu y rester enfermée.

Ils étaient ensemble et ne pouvaient faire confiance qu'à eux deux mais ils auraient dû se le dire bien avant, avant que la journée ne se termine parce qu'il n'y avait pas de lendemain et qu'ils allaient disparaître.

Ils devaient se le dire, avant qu'il ne soit trop tard.

 


 

Voilà, j'espère que ce petit texte vous a plu et je tiens à préciser que le gif ne m'appartient pas, je l'ai trouvé sur Tumblr.

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Comments

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mimikissme4ever
#1
Chapter 1: j'aime trop !! :) continue à écrire ^^
modilep
#2
Chapter 1: C'est tellement rare de trouver une histoire en français.Et bravo, l'écriture est géniale et résume très bien le mv . Continue comme ça, fighting! :)