La fleur du désespoir

Les Fleurs du Mal

 

 

 

 

« Toutes choses brisent un jour. Veux-tu que je te brise? »

 

 


 

 

Tao coupe la dernière tige du bouquet de lys qu’il insère, non sans mal, dans son présentoir et pousse un léger soupir.

 

Il ne viendra pas aujourd’hui. Son cellulaire demeure silencieux dans la poche de son vieux jeans et son inbox n’est certainement pas plus bruyant. Il y a peine deux jours qu’il a lâché le morceau, qu’il a dit à Kris ce qu’il avait sur le cœur. Il a du mal à y penser. Il ne regrette pas ce qui s’est passé, mais il aurait aimé que ça se passe autrement. Surtout, il espérait ne pas avoir a pleuré par la suite quand Kris ne lui avait simplement pas répondu.

 

Le silence de Kris est presque comme du poison.

 

Il y a beaucoup de choses que Tao tient à cœur. Il aime penser qu’il a le cœur grand, qu’il est ouvert à beaucoup de choses mais il sait aussi qu’il a des secrets, des secrets qu’il aimerait bien oublié. À chaque fois que Tao se prépare à vivre un autre jour dans l’absence de Kris, il se rappelle qu’il n’est rien d’autre qu’un simple passant dans la vie d’un autre, quelqu’un d’éphémère, une flamme dans l’enfer de qu’est sa vie.

 

Tao saisi le beaucoup de roses qu’il s’apprête à préparer pour le présentoir et observe ses fleurs au parfum familier. Tao déteste les roses. Il les déteste parce qu’elles lui rappellent quelqu’un; elles sont belles, irrésistibles, mais elles font mal quand on essaie de s’en emparer. Il faut les enrober d’un plastique protecteur ou encore les travailler avec des gants. Tao observe ces fleurs à la couleur de son sang et, sans trop y penser, ôte les gants qu’il vient juste d’enfiler il y a un instant, il encercle le bouquet de ses doigts et serre les dents alors que les fleurs déchirent sa peau.

 

Une larme coule le long de son visage, il ne l’essuie pas.

 

Il saisit la paire de ciseau bleu à ses côtés et commence à couper.

 

Couper. Couper. Couper.

 

Il doit couper les liens, doit couper ses sentiments.

 

Le cœur de Tao est entouré de tiges, tiges qui connectent son cœur à ces personnes qu’il ne peut oublier. Celles qui l’ont blessé, ceux qui lui ont fait du bien et celles qu’il ne veut tout simplement pas oublier.

 

Tao n’oublie rien. N’a jamais oublié, et n’oubliera rien.

 

Tout ce que son entourage lui a fait reste gravé dans sa peau, comme un tatou. Il ne peut s’empêcher d’être ce qu’il est et parfois, ça le fâche. Parce qu’il sait que c’est sa faiblesse. Sa faiblesse est d’aimer, de garder tout trop près du cœur, d’avoir son torse ouvert à longueur de journée pour que quelqu’un passe et y jette une grenade.

 

Oui, Tao a beaucoup souffert.

 

Tao saisi de la ficelle blanche qu’il tâche de son sang et se met à attacher les tiges ensembles. Il se sent comme un médecin chirurgicale; cousant ce qui devrait être cousu. Il n’a pas encore trouvé quelqu’un qui voudrait bien le recoudre. Tous les gens qu’il a connu étaient des gens qu’il avait pris en pitié, qu’il avait voulu aidé. Toutes ces personnes qu’il a aimé de tout son cœur pour finalement se faire cracher au visage, se faire trahir, se faire juger, se faire mettre de côté…

 

Tao coupe la ficelle avec ses dents et se tourne vers le lavabo pour rincer ses mains couvertes de sang.

 

Il soupire. Il en a marre. Il est épuisé. Toute cette attente pour rien, toutes ces paroles en l’air. Il s’appuie un moment sur sa table de travail et essaie de reprendre sa respiration. Sa main saigne encore mais il ne fait pour empêcher le sang de couler. Peut-être qu’en se vidant de son sang, il se videra de sa douleur.

 

Il ne sait pas pourquoi il travaille encore ici. Il déteste ce travail, la routine, toute cette eau qu’il doit donner à une certaine heure de la journée. Mais il ne peut pas arrêter. Il sait que s’il arrête de travailler là, Kris ne le retrouvera jamais. C’est sans doute la seule raison pourquoi il travaille encore chez un fleuriste. Le fait que la plupart des hommes qui le voient là assume qu’il soit gay ne le dérange plus. Les filles trouvent sa présence charmante et ne la questionne pas. Tao pour sa part, a commencé à travailler ici parce que son ami était dans le trouble et qu’il devait être remplacé.

 

Tao a toujours eu un faible pour les choses fragiles, il aime soigner ce qui est vulnérable. Il aime penser qu’il est peut-être une fleur lui aussi, mais une fleur au parfum nauséabond. Une marguerite peut-être. Sans ronce, sans défense, auquel on arrache les pétales un à un pour son simple contentement ou pire, curiosité.

 

Tao condamne l’humanité. Condamne tous ces gens qui abusent de toutes bonnes choses. Il est loin d’être bon, loin d’être parfait, mais il aime à penser que le fait qu’il veuille rendre son entourage heureux le différencie du reste de la population. Il aime penser que sa volonté à être charitable lui accorde une place à part dans la société, quelle qu’elle soit. Quoique… cette place ne soit pas charmante… elle lui appartient.

 

Tao met les roses dans le présentoir et regarde à ses pieds, à tous ces bouts de tiges qu’il devra ramasser et qu’il voudrait tout simplement laisser là sur le sol humide et peu prestigieux.

 

Il doit ressembler à quelque chose de semblable en ce moment. Il y a déjà plusieurs qu’il ne dort pas. Qu’il se laisse emporté par la vague de l’amour.

 

L’amour, quel sentiment pathétique. Une journée vous vous sentez libre comme l’air et le second vous êtes envahi par le désespoir de n’appartenir à personne, de ne compléter aucun être vivant, de n’apporter rien à l’existence du tout à qui que ce soit.

 

Tao aurait aimé vivre pour quelqu’un. C’est en fait, tout ce qu’il voulait.

 

Il avait osé croire que Kris était peut-être la personne pour qui il pourrait vivre. L’être qu’il pourrait compléter, mais il avait eu tort. Une fois de plus.

 

Quand Kris l’avait embrassé pour la première fois, il croyait avoir trouvé sa moitié. Celui qu’il avait recherché toute sa vie. Mais maintenant… Tao n’avait pas l’habitude de penser le pire des gens, des situations oui, mais pas des gens. Il en avait marre, marre d’être piétiné encore et encore, comme une saleté. Comme des tiges, comme des pétales flétris.

 

« Tao? »

 

Suho, le propriétaire, le surpris, un couteau de travail à la main et du sang coulant dans l’autre.

 

« Oh mon Dieu! Tu t’es blessé?! Laisse-moi voir! »

 

Suho s’approche et saisit presque sa main sanglante. Tao se détourne de l’homme et cache sa main derrière son dos.

 

« Ce n’est rien. »

 

Tao enfile un mouchoir autour de sa blessure et dépose le couteau près de ses ciseaux de travail et tousse. Il a mal au cœur, son estomac est rempli de choses suspicieuses.

 

Suho le laisse tranquille, conscient de son désir d’être seul pour le moment. Mais il doit quand même lui dire la nouvelle.

 

« Il y a quelqu’un qui veut te voir. »

 

Suho annonce avant de quitter la pièce.

 

« Je n’ai pas le temps d’entretenir tes clientes. Il faut que je remettre le tout dans le réfrigérateur. »

 

Suho aime bien laisser travailler Tao à l’avant dans le but d’attirer la clientèle féminine mais Tao ne veut rien savoir de cela depuis les deux derniers jours. Il préfère pleurer en confidence et Suho, bien qu’il ne connaisse rien de l’histoire, respecte son choix.

 

« Ce n’est pas une cliente, mais bien un. »

 

Tao échappe presque la chaudière qu’il tient déjà dans sa main.

 

« Un client? »

 

« Effectivement. Et il est bien charmant. Toutes les clientes lui tournent autour comme des abeilles autour d’un nid. »

 

Tao grimace.

 

« Je t’ai déjà dit de ne pas essayer de faire de métaphores. »

 

Suho éclate de rire.

 

« Dépêche-toi. Ça fait déjà un moment qu’il attend. Ça fait plus de quinze minute que je t’appelle. »

 

Suho continue sa tâche assidument, essayant d’ignorer son cœur qui bat la chamade. Il a un doute, il a bien peur. Pourquoi est-ce qu’il serait ici? Pourquoi se serait-il donné tant de mal alors qu’il n’avait donné aucune nouvelle pendant ces derniers jours? Quel être humain était capable de faire une chose pareille?

 

Kris. Seulement lui.

 

Tao finit trop vite de ranger le matériel. Il ne veut pas sortir. Non. Non.

 

« Ah, te voilà. »

 

Tao sent le sang qui coule de sa main gicler à nouveau. Kris a les moyens de rouvrir ses plaies, de le faire vivre si près du soleil, si près du danger que même la mort paraisse comme une plaisanterie.

 

« Qu’est-ce que tu veux? »

 

Tao sait que la raison est ridicule, mais il doit débuter la conversation à quelque part alors c’est ce qu’il fait, un peu maladroitement.

 

« C’est un peu prétentieux de me regarder avec cet air hautain… tu m’as mis dans un sérieux pétrin. »

 

Tao essuie la sueur de son front et par ce fait, montre sa blessure sans en avoir toutefois l’intention.

 

« Tu saignes. »

 

Il est inquiet, mais pas assez à son goût.

 

« Belle constatation. »

 

Kris s’approche de lui, déposant son manteau là où bon lui semble; sur sa table de travail.

 

« Tu comptes rester longtemps? »

 

Tao est nerveux, sa voix tremble, il se trouve pitoyable.

 

« Aussi longtemps que ça prendra. »

 

Kris dit en s’appuyant sur le meuble et en le regardant d’un air un peu trop satisfait.

 

« Pour? »

 

Kris sourit, mais ne semble pas si amusé que cela.

 

Tao lui, est en train de mourir à petit feu. Il sent son âme saigner au plus profond de lui-même, son cœur ne parvient pas à la soutenir et il a peur, peur d’être abandonné plus que jamais auparavant. Kris saisi une des roses du présentoir et la sent.

 

Tao sent son corps entier frémir, émettre un chant que seul Kris semble entendre, parce qu’il le regarde comme s’il sait exactement ce dont à quoi Tao pense. Ses yeux sont brillants, son regard est si intense qu’il transperce son estomac et cause des hémorragies.

 

Tao mord sa lèvre, se fait saigner une fois de plus.

 

« Tu vas mourir si tu continues à saigner. »

 

Tao essuie sa lèvre are le dos de sa main.

 

« Tu ne devrais pas être ici. »

 

« Mauvaise réponse. »

 

Kris dit en sifflotant de manière un peu trop détendue.

 

« Non. »

 

Tao dit, bien qu’il n’ait aucune idée de ce Kris est en train de demander.

 

« J’aimerais mieux pas… »

 

Tao a oublié ce qu’il devrait dire, il pense au premier jour où il a rencontré Kris. C'était une journée morne, il était occupé à rafraichir les présentoirs et c'est là qu'un bel étranger c'est présenté dans la boutique est a demandé à avoir un bouquet de marguerite, pas de roses, les roses étaient trop populaires, il voulait quelque chose hors du commun. Avec Kris, il fallait toujours que ça soit hors du commun. Extraordinaire, presque.

 

« Tu es un drôle de bonhomme… tu dis que tu m’aimes et après tu ne veux plus me voir. »

 

Kris dit en s’approchant de lui.

 

« Ce n’est pas ça! Tu ne comprends pas. »

 

Tao voit bien qu’il ne peut pas s’échapper, pas qu’il le veuille nécessairement. Il voudrait bien que Kris l’emmène loin d’ici et qu’il ne le laisse jamais partir. Est-ce possible?

 

« Non, tu as tort. Je comprends plus que tu ne le penses. »

 

Kris affirme en forçant Tao à appuyer son dos contre la porte du réfrigérateur géant.

 

« Pas ici. »

 

« Parmi les fleurs? Ça ne t’enchante pas d’être défleuri dans ton jardin? »

 

Tao sort la langue discrètement et secoue la tête.

 

« Non. "

 

Kris lui sourit et pose ses lèvres sur les siennes. Elles sont chaudes, humides et Tao les embrasse. Il ne peut rien lui refuser. Encore. Il ne pourra jamais rien lui refuser. Peut-être que cette fois-ci, c'est la bonne, peut-être que Kris est celui qui comblera le vide dans son coeur et la personne qu'il rendra heureuse. Du moins, c'est ce qu'il espère. Avec chaque cellule de son corps.

 

Et pendant que Kris couvre son visage de baiser en lui disant qu'il est à lui maintenant et qu'il l'aime, tout semble être retourné dans l'ordre. Sauf la main sanglante de Tao qui tache le t-shirt de son amant, mais ça, ça n'a pas d'importance.

 

Kris lui dit qu'il est désolé, qu'il ne pouvait pas le voir avant, qu'il va tout réparer, qu'il va le réparer. Et franchement, c'est tout ce que Tao a besoin d'entendre. Il est bien. Il est revenu à la maison.


 


 

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Comments

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Rinininette #1
Chapter 1: Oh mon dieu j'adore *w* quand je me dis que c'est l'une des histoires françaises que j'arrive à lire sur ce site (fallait s'y attendre, c'est plus un site international xD) c'est tellement rare que ça me fait bizarre de lire du français!
Je suis aussi une obsédée des fleurs, je trouve ça magnifique et les roses sont les meilleures quand elles sont intégrées aux fanfics~
Donc j'ai touché le jackpot en trouvant tes écrits!
J'ai repéré quelques fautes par contre ^^'
ShawolShadow22
#2
Chapter 1: I honestly couldn't understand all of it. Ma française n'est pas bon. J'ai en une classe de française en lycée maintenant mais je ne suis pas bien. Désolée pour ma française qui est très mauvais. Mais, j'aime ta histoire
DoubleSHINee
#3
Chapter 1: Très Bon!:) Excellent